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Les erreurs des Occidentaux au Soudan

Sandrine Blanchard | Kersten Knipp
4 mai 2023

Les pays occidentaux se sont engagés dans le processus de transition au Soudan. Mais la guerre actuelle fait douter de leur analyse des acteurs en présence.

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A Port-Soudan, une foule de Soudanais et d'étrangers attendent leur évacuation (photo du 29 avril 2023)
Toute une frange de la population soudanaise a été reléguée au second planImage : Smowal Abdalla/AP/picture alliance

Le responsable de l'Onu pour les affaires humanitaires, Martin Griffiths, est arrivé [03.05.23] à Port-Soudan. Cette ville soudanaise est située sur la mer Rouge. Les Nations unies se sont repliées là à cause des combats qui sévissent dans la capitale, Khartoum, entre les deux généraux rivaux : al-Burhane et Hemedti.

Une trêve est censée entrer en vigueur ce jeudi [04.05.23] pour une durée de sept jours mais jusqu'à présent, les accords de cessez-le-feu n'ont pas empêché les violences de continuer, faisant craindre une catastrophe humanitaire d'ampleur dans le pays où un habitant sur trois dépendait déjà de l'aide humanitaire avant la guerre. Et les puissances occidentales y ont leur part de responsabilité. 

Pas de condamnation du coup d'Etat 

Les puissances occidentales ont déçu bon nombre de Soudanais. Les Etats-Unis, par exemple, qui n'ont pas condamné le coup d'Etat militaire qui a amené le général al-Burhane au pouvoir, il y a dix-huit mois. Mais d'autres pays aussi, qui étaient plus préoccupés ces dernières semaines par l'évacuation de leurs ressortissants que par la détresse des civils du Soudan.

Marina Peter, directrice du Forum pour le Soudan et le Soudan du Sud, en Allemagne, estime que le conflit actuel résulte de tensions anciennes, autour des ressources naturelles du pays et de la soif de pouvoir de certains officiers. Il ne faut pas s'y méprendre, analyse-t-elle, il s'agit d'un problème structurel.

"On aurait pu prendre des sanctions plus tôt" regrette-t-elle, avant de préciser que "l'Occident a déjà tenté de faire pression financièrement, par le biais de l'aide au développement, par exemple. L'Allemagne voulait la rétablir après une longue période de suspension. Mais d'autres pays ont financé le Soudan alors les décisions occidentales n'ont pas tellement d'effet."

Marina Peter reproche aux Occidentaux d'avoir cru à la langue de bois des deux généraux soudanais qui parlaient de démocratie et de défense de la population.

Des réfugiés soudanais dans le camp de Koufroun, au Tchad (photo du 1er mai 2023)
Des réfugiés soudanais dans le camp de Koufroun, au TchadImage : GUEIPEUR DENIS SASSOU/AFP

Les civils oubliés

Elle rappelle que son organisation, comme d'autres, et surtout comme une partie de la société civile soudanaise, avait pourtant mis en garde, dès 2019 et le renversement d'Omar el-Béchir, sur la nécessité de surveiller la transition démocratique et de se méfier du général Hemedti.

Le militant soudanais prodémocratie Ahmed Esam, de la plateforme "Sudan Uprising Germany", est du même avis : l'échec soudanais n'est pas à imputer entièrement à l‘Occident, mais les Occidentaux ont bien commis de graves erreurs, comme de ne pas voir que l'armée était une institution à part entière qui devait tirer sa légitimité du peuple ou "en ignorant les comités de résistance et leur leadership dans la rue tout en appuyant simplement les partis politiques traditionnels classiques. De ce fait, un très grand nombre de personnes ont été négligées au sein de la société."

De nombreux experts estiment que l‘influence de la Russie pourrait s'amplifier au Soudan. Quel que soit le vainqueur du conflit en cours car Moscou a des intérêts économiques importants dans les mines d'or du pays.

Les Occidentaux seraient donc confrontés à un dilemme classique de la Realpolitik : oublier le manque de fiabilité de leurs interlocuteurs soudanais pour maintenir avec eux un dialogue qui leur paraît impératif.