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SociétéAllemagne

Naturalisation, changement de genre, cannabis : d'importantes réformes sociétales en Allemagne // A Berlin, on commande sa drogue sur Telegram

Hugo Flotat-Talon
30 août 2023

Plusieurs projets de loi importants viennent d'être adoptés par le gouvernement allemand. Ils prévoient notamment une obtention de la nationalité plus rapide, de rendre les changements de noms de famille plus simples, ou encore la légalisation du cannabis. Dans ce podcast aussi : reportage à Berlin où le trafic de drogue se fait désormais en ligne avec des livraisons à domicile !

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Pas un jour ou presque ne passe sans que la coalition au pouvoir en Allemagne (les Verts, écologistes ; les sociaux-démocrates du SPD et les libéraux du FDP) n'affiche des désaccords. C'était le cas ces jours-ci encore sur une réforme des allocations familiales, le cas encore les derniers mois sur une réforme des systèmes de chauffage. Mais d'autres réformes sociétales font leur chemin et plusieurs projets de lois ont été présentés par différentes ministères fédéraux ces dernières semaines. 

Réforme de l'obtention de la nationalité allemande

On en parle régulièrement sur la DW, l'Allemagne manque de main d'oeuvre et cherche des moyens pour attirer des travailleurs et travailleuses de l'étranger. 

Un compromis sur une réforme des conditions d'obtention de la nationalité allemande a donc été trouvé par la coalition au gouvernement et une projet de loi présenté.Il prévoit notamment qu'il soit possible de demander la nationalité allemande au bout de cinq ans, contre huit actuellement. Le délai serait même réduit à trois ans pour les personnes qui parlent très bien allemand, peuvent subvenir à leur besoin et ont des compétences professionelles recherchées sur le marché du travail ou peuvent justifier d'un fort engagement associatif dans le pays. 

Double nationalité

"Nous voulons que les personnes qui font partie de notre société depuis longtemps puissent également participer à l'organisation démocratique de notre pays", a justifié la ministre fédérale de l'Intérieur, Nancy Faeser, lors de la présentation du texte devant la presse. Avant d'annoncer un autre changement important. "De nombreux immigrés se sentent allemands, mais ne veulent pas couper complètement les liens avec leur pays d'origine. A l'avenir, ils ne seront plus obligés de renoncer à une partie de leur identité. Nous procédons à un changement de paradigme attendu depuis longtemps et autorisons la multi-nationalité", a dit la ministre.

Une voiture avec des drapeaux turques aux fenêtres, photographiée à Duisbourg lors de la réélection de Recep Tayyip Erdogan en mai 2023
C'est en Allemagne que vit la plus grande diaspora turque du mondeImage : Christoph Reichwein/dpa/picture alliance

Nancy Faeser veut donc permettre la double nationalité qui serait un véritable changement de paradigme dans la politique allemande. Cette mesure était jusqu'ici une exception en Allemagne, autorisée dans des cas bien particuliers et aux ressortissants européens et suisses. Conséquence : douze millions de personnes vivent actuellement en Allemagne sans la nationalité allemande. Ce changement profiterait notamment aux personnes turques. Jusqu'ici seules 290.000 personnes ont la double nationalité, allemande et turque, alors qu'un million et demi de personnes turques vivent dans le pays. 

Lire et écouter aussi → Face à la pénurie de main d'oeuvre l'Allemagne facilite encore l'immigration

Il faudra maintenant pour cela que la loi passe au Parlement. Elle pourrait être modifiée encore, car le texte ne fait pas l'unanimité. A gauche, on critique par exemple le fait de devoir justifier de revenus suffisants sans aides sociales pour obtenir la nationalité : c'est impossible pour les mères seules au foyer disent par exemple des écologistes. A droite, chez les conservateurs, on critique une loi qui donnerait trop vite la nationalité. Le texte sera débattu à l'automne au Parlement. 

Réforme des noms de famille

Autre réforme : celle sur les noms de famille. Elle doit permettre de généraliser le double nom : si un couple se marie, il pourra choisir de prendre les deux noms. Une Madame Schmidt et un monsieur Müller pourront devenir Monsieur et Madame Schmidt-Müller ou Müller-Schmidt une fois mariés. Les enfants pourront aussi avoir le double nom, que les parents soient mariés ou non. Si ces mêmes parents ne se sont pas décidés ainsi à la naissance, un enfant devenu majeur pourra de lui-même demander à avoir ce double-nom, ou changer de nom, prendre celui de sa mère au lieu de celui de son père ou vice-versa. 

Il sera aussi possible à l'avenir de féminiser un nom masculin pour une femme, comme cela se fait dans certaines cultures, notamment slaves, pour les femmes sorabes par exemple. Le texte, s'il passe au Parlement, devrait entrer en vigueur en 2025 seulement, le temps de faire les changements nécessaires au niveau de l'administration. 

Changement de genre 

Le gouvernement allemand vient aussi d'adopter un projet de loi qui simplifie le changement de genre. "Pouvoir décider soi-même de son orientation sexuelle est un droit humain. À l'avenir, il suffira de se rendre à l'état civil pour changer de sexe ou de prénom", a expliqué la ministre fédérale de la Famille Lisa Paus. Cette loi remplacerait une autre, vieille de 40 ans qui prévoit jusqu'à présent des tests psychologiques, avant qu'un juge ne décide in-fine. 

Le ministre de la Justice Marco Buschmann et la ministre de la Famille Lisa Paus montre aux photographes le projet loi sur papier
Le nouveau projet de loi, présenté ici par les ministres de la Justice et de la Famille, doit remplacer une loi de 1981, dont certaines parties ont plusieurs fois été jugées anticonstitutionnelles par la Cour constitutionnelleImage : Jürgen Heinrich/IMAGO

La loi devrait même permettre aux adolescents de lancer la procédure eux-mêmes dès 14 ans, avec le consentement de leur parents. C'est une victoire pour les associations de personnes transexuelles, mais la loi suscite de nombreux débats. La droite souhaiterait que cette mesure soit ouverte seulement aux personnes majeurs. Des associations féministes craignent aussi que des hommes mal intentionnées abusent du texte pour pouvoir accéder à des lieux réservés aux femmes. Le gouvernement fédéral espère tout de même que son texte passera au Parlement et compte sur une mise en application de la loi en fin d'année prochaine. 

Légalisation du cannabis

Cela faisait des mois, depuis que la coalition est au pouvoir presque, que le sujet était sur la table, avec ses multiples rebondissements. Cette fois un projet de loi sur la légalisation du cannabis vient d'être adopté par le gouvernement. S'il passe, il sera possible, pour les personnes majeures, d'acheter et de posséder jusqu'à 25 grammes de cannabis et de cultiver jusqu'à trois plants pour son propre usage. L'achat pourra se faire dans des "clubs cannabis". Clubs qui pourront avoir 500 membres au maximum, et fournir 25 grammes par jour, 50 grammes par mois maximum (30 grammes pour les moins de 21 ans). La quantité de THC contenue dans le cannabis distribué dans ces "clubs" sera limitée à 10 %.

Un plan de cannabis en gros plan
Contrairement à ce qui était prévu au départ, la vente de cannabis dans des magasins spécialisés n'est pas prévue par l'actuelle loi, le gouvernement ayant dû revoir sa copie pour se conformer à la législation européenneImage : Markus Schreiber/AP Photo/picture alliance

Une légalisation très encadrée donc et pas libéralisation totale, défendue par le ministre fédéral de la Santé Karl Lauterbach. "Nous n'avons pas de réponse au problème de la consomation qui augmente. La criminalité liée à la drogue augmente également, le marché noir est en pleine expansion et les substances toxiques dans ce qui est vendu sont toujours plus nombreuses. Cela n'aurait tout simplement pas pu continuer ainsi et c'est donc un tournant important dans notre politique en matière de drogues", a-t-il expliqué devant la presse. 

Le ministre de la Santé allemand Karl Lauterbach photographié en gros plan
Avec cette loi, le ministre de la Santé, Karl Lauterbach veut lutter contre le marché noir, réduire la criminalité et protéger les consommateursImage : Frederic Kern/Geisler-Fotopress/picture alliance

Mais la réforme fait déjà l'objet de critiques. Ceux qui étaient partisans d'une libéralisation totale sont évidemment décus. Car la vente libre n'est pas prévue par la loi. Des tests pourraient être lancés dans des magasins spécialisés plus tard, mais ce sera une autre loi, rien n'est acté définitivement. 

Les opposants au texte critiquent eux une loi trop compliquée qui ne permettrait pas à la police et aux tribunaux de se concentrer sur d'autres choses, mais pourrait allourdir leur travail. Beaucoup à droite chez les Conservateurs estiment même que cela ne règlera pas le marché noir. Des médecins craignent des dommages psychologiques pour les jeunes. Cela annonce des débats tendus au Parlement à l'automne. En attendant une campagne de prévention a déjà été lancée pour prévenir les plus jeunes de dangers du cannabis. 

Commande de drogue sur Telegram

La drogue justement, ou les drogues, on en parle aussi avec notre grand reportage de la semaine. Car si la consommation de cannabis ne cesse d'augmenter en Allemagne, ce n'est pas la seule drogue consommée, bien au contraire. Les drogues dures gagnent aussi du terrain. Et depuis quelques années dans les grandes villes allemandes, la vente de produits stupéfiants n’échappe plus à la révolution numérique. Plus besoin d'aller dans les lieux mal fréquentés pour s'approvisionner. Il suffit d’un téléphone portable. Les consommateurs passent commande en ligne et sont livrés à domicile, comme pour un burger ou une pizza... Julien Mechaussie raconte tout cela depuis Berlin. 

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Politique, économie, histoire... Vu d'Allemagne est un podcast hebdomadaire sur l'Allemagne, avec un grand reportage international en seconde partie d'émission.