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Les avocats en grève en Centrafrique

Jean-Fernand Koena
19 septembre 2022

En République centrafricaine, les tribunaux sont à l'arrêt suite à un mouvement de grève des avocats qui protestent contre les atteintes à l'indépendance de la justice.

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Deux magistrats de la Cour constitutionnelle centrafricaine, en 2020 (illustration)
Les avocats centrafricains sont suspendus à l'avis de la Cour constitutionnelle sur la réforme de la Constitution voulue par le président TouadéraImage : Nacer Talel/AA/picture alliance

En République centrafricaine, les tribunaux sont à l'arrêt à la suite d'un appel à la grève d'une semaine lancé par les avocats pour protester contre la tentative du gouvernement, selon eux, de porter atteinte à l'indépendance de la justice.

Au premier jour de ce mouvement, les avocats, notaires, huissiers et greffiers ont tenu à soutenir la Cour Constitutionnelle qui doit statuer sur une réforme controversée de la loi fondamentale. Cette grève est un fait inédit dans l'histoire politique de la Centrafrique.

Atteintes à la justice

Les avocats, réunis dans leur robe noire à l'appel du bâtonnier Emile Bizon, étaient nombreux dès ce matin [19.09.22] au palais de la Cour constitutionnelle pour le début de leur protestation contre ce qu'ils considèrent comme de la persécution de la part du gouvernement. 

Pour Emile Bizon, l'objectif est clair : "Dénoncer cette atteinte à l'institution judicaire".

Ces derniers jours, la Cour constitutionnelle a été la cible des partisans du président Faustin-Archange Touadéra. Les juges doivent en effet rendre un avis sur une réforme de la Constitution qui permettrait à celui-ci de réaliser un troisième mandat.

Vue de l'intérieur d'une salle de tribunal, durant une audience, à Bangui, en 2014 (illustration)
Les tribunaux sont à l'arrêt, les avocats en colèreImage : Jerome Delay/AP Images/AP Photo/picture alliance

Les forces de l'ordre mobilisées

Dans un communiqué lu à la radio nationale, le ministre de l'Intérieur a menacé les avocats de poursuite judiciaire. Emmanuel Pabandji, son porte-parole, a dénoncé "un groupuscule de membres du bureau des avocats de Centrafrique [qui] organise des manifestations visant à porter atteinte à la sérénité et au bon fonctionnement du pouvoir judiciaire". Il a indiqué que "le ministre de l'Intérieur et de la sécurité publique condamne ses agissements illégaux (...) et informe les activistes que les forces de l'ordre sont mobilisées pour assurer le maintien de l'ordre public. Toute manifestation publique non autorisée est interdite sur toute l'étendue du territoire national et expose les auteurs à des poursuites judiciaires".

Un mouvement inédit en Centrafrique

Cette fronde, inédite dans l'histoire de l'institution judiciaire centrafricaine, laisse les Centrafricains inquiets sur l'issue de la crise.

"Ces derniers temps, il y a des cas d'incivisme perpétrés par une frange de la jeunesse centrafricaine se réclamant du pouvoir et c'est extrêmement dangereux", redoute un habitant de Bangui.

Un autre estime que "cela rentre dans le jeu démocratique, à condition que les magistrats et ceux qui organisent ce genre de manifestation respectent la règlementation, la loi et les usages pour qu'il n'y ait pas de débordement."

Le député Dominique Yandoka, pourtant membre de la majorité présidentielle, dénonce pour sa part les attaques qui visent la Cour constitutionnelle.

"Nous sommes face à une dérive dictatoriale qui ne dit pas son nom", affirme-t-il, avant de rappeler que "nul n'est au-dessus de la loi. Sans cette Cour constitutionnelle, moi, aujourd'hui, je ne pourrais pas me prétendre être député, ni ceux qui l'insultent et qui lancent des invectives contre cette même Cour constitutionnelle qui nous a installés. Nous sommes plus dans une situation autocratique".

Entre le gouvernement et la justice, le bras de fer semble donc se durcir. Les opposants à la réforme de la Constitution viennent d'être rejoints par le Bloc démocratique pour la reconstruction de Centrafrique qui a annoncé un meeting dans les jours à venir.