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Bunagana, deux mois déjà sous occupation rebelle

Zanem Nety Zaidi
12 août 2022

90% des habitants ont fui et vers des camps de réfugiés dans le Nord-Kivu ou en Ouganda. Ceux qui sont restés ou sont retournés décrivent une vie de calvaire.

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Un homme suivi de plusieurs femmes qui portent des matelas et des effets personnels sur la tête tentent de traverser la frontière entre la RDC et l'Ouganda
La RDC accuse le Rwanda voisin d'avoir apporté un soutien au M23Image : Guerchom Ndebo/AFP/Getty Images

Cela fait deux mois que la localité de Bunagana et plusieurs villages du groupement de Jomba dans le territoire de Rutshuru, dans l'est de la République démocratique du Congo, sont occupés par les rebelles du Mouvement du 23 mars.

Deux mois de dures souffrances pour la population locale. 90% des habitants sont d'ailleurs partis, et vivent dans des camps de réfugiés en Ouganda ou des centres de recueillement dans la province du Nord-Kivu. Ceux qui sont restés ou y sont retournés vivent des jours difficiles.

Obligés de cohabiter avec les assaillants

Un groupe de jeunes manifestants de Goma. Certains sont munis gourdins et s'avancent vers la frontière avec le Rwanda
La République démocratique du Congo a enregistré près de 900.000 déplacés internes depuis le début de l'année d'après l'OnuImage : Moses Sawasawa/AP/picture alliance

Depuis juin, le gouverneur militaire a interdit la circulation au poste frontière de Bunagana, mettant à mal les activités commerciales.

Il y a peu de monde. Une petite poignée de familles seulement, une centaine, ont accepté de retourner dans la cité pour vivre en cohabitation avec les rebelles. 

Le centre de la ville est occupé principalement par des combattants du M23 et leurs familles. Les ménages qui ont accepté de revenir sont tous concentrés dans trois quartiers : Kanyabihango, Karere et Kibaya. La peur est visible sur les visages. Les personnes rencontrées hésitent à témoigner, par peur de représailles.

"Nous vivons dans de mauvaises conditions. Celui qui vit ici doit avoir un cœur dur et être prêt à tout endurer. Ici, il y a des gens qui sont battus, et d'autres enfermés dans des prisons. Il y a une prison, à côté d'une église. Si vous essayez de passer à côté de celle-ci, vous pouvez entendre des gens pleurer. Même trouver de l'eau est très compliqué. Nous achetons un bidon pour 2.000 shillings", raconte Paul Nyiyetenga, revenu il y a un mois et qui finit par accepter de s'exprimer.

Des femmes et des enfants sans assistance

Des femmes assises près du mur d'une clôture en compagnie de leurs enfants, à Bunagana
Les combattants du M23 qui ont resurgi en 2021, reprochent à Kinshasa de n'avoir pas respecté les accords sur leur démobilisationImage : Emmanuel Lubega/DW

Senzige Justine, mère de cinq enfants, n'arrive d'ailleurs plus à nourrir sa famille. Elle a peur d'aller au champ.

"Nous avons peur d'aller au champ, car il y a des cas de viols qui sont couramment signalés. Quand nous restons à la maison, nous ne pouvons pas trouver de nourriture car nous ne pouvons pas aller au champ. Certaines d'entre nous bravent la peur pour aller au champ en groupes de deux ou trois femmes. Je demande au gouvernement de nous aider car nous souffrons et il est très difficile de se soigner en cas de maladie", confie cette femme.

La société civile locale dénonce l'inaction des autorités congolaises et de l'armée, qui n'attendent que les attaques du M23 pour riposter.

Kambere Mbula est le coordinateur adjoint de la nouvelle société civile du territoire de Rutshuru. Il confirme le sentiment d'abandon.

Paul Nyiyetenga : "Nous vivons dans de mauvaises conditions"

"Bon nombre d'habitants de la cité de Bunagana ont fui vers l'Ouganda, voyant la souffrance que la population traverse. Ils sont obligés de partir. Nous déplorons le fait de voir qu'il n'y a pas des actions sérieuses pour mettre fin à cette rébellion. Nous mettons en doute la stratégie militaire de notre armée. Nous avons besoin d'actions concrètes", insiste-t-il.

Les groupes de défense des droits de l'homme accusent les rebelles du M23 d'être à l'origine de plusieurs cas de pillage de centres de santé, de maisons et de commerces, d'enlèvements et même de torture de civils dans les zones qu'ils contrôlent depuis novembre 2021. Les rebelles sont même accusés d'exploiter les ressources naturelles dans la région de façon illégale. Ce que certains d'entre eux réfutent au micro de la DW.