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Nouveau tour de vis dans la politique européenne d'asile

Sandrine Blanchard | Avec agences
2 mai 2023

L'Allemagne soutient une réforme de la politique migratoire de l'Union européenne. Celle-ci prévoit notamment de déléguer l'examen des demandes d'asile à des pays tiers, ce qui agite le débat public.

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Deux pieds dans des baskets devant les drapeaux européen et allemand peints sur le sol
Le nombre de demandes d'asile acceptées pourrait chuter sous la barre de 15%Image : Oliver Boehmer/Zoonar/picture alliance

L'Union européenne veut réformer sa politique d'accueil des personnes migrantes. Les propositions seront discutées entre Etats membres puis au Parlement dans les prochaines semaines.

A Berlin, les propositions allemandes prévoient que davantage de dossiers de demandeurs d'asile devraient être examinés avant leur entrée sur le territoire de l'UE. Ce qui suscite d'ores et déjà des critiques de la part des défenseurs des droits humains. 

Nancy Faeser pour un accord "historique"

La ministre allemande de l'Intérieur, Nancy Faeser, du SPD, espère un accord rapide, au niveau européen, sur les nouvelles règles d'accueil des demandeurs d'asile soutenues par l'Allemagne.

"Au sein du gouvernement allemand, nous sommes tombés d'accord pour porter ce projet, explique la ministre de l'Intérieur. Cela signifie que les demandes pourront être traitées dès les frontières de l'Europe et donc que les personnes requérantes seront enregistrées et identifiées sur place."

La ministre appelle aussi à un "rééquilibrage" solidaire au sein de l'UE pour mieux répartir les personnes acceptées entre les Etats membres.

Une jeune femme devant une construction en tôle à Koungou, à Mayotte
Pour l'eurodéputé Erik Marquardt (Verts), il faut d'abord combattre les raisons de l'émigration, en aidant les populations dans leur pays d'origineImage : Lemor David/ABACA/picture alliance

Durcissement des règles

Les premierspays d'arrivée en Europe que sont l'Espagne, l'Italie et la Grèce ont constitué un groupe de travail avec des pays qui prennent ensuite la relève de l'accueil : la France, l'Allemagne, mais aussi la Belgique et la Suède.

Le Conseil européen, où sont représentés les Etats, veut se mettre d'accord sur un texte d'ici juin pour que celui-ci passe devant le Parlement européen avant les prochaines élections européennes, au printemps 2024.

Le système de Dublin actuellement en place prévoit que la demande d'asile doit être déposée dans le premier Etat membre par où  les personnes migrantes entrent dans l'UE. Les nouvelles propositions suggèrent de délèguer le traitement des demandes d'asile aux pays situés aux frontières de l'Europe, c'est-à-dire les Etats par où transitent les demandeurs d'asile avant d'arriver en Europe.

Les nouvelles propositions allemandes entendent systématiser l'enregistrement et l'identification des requérants dans les pays tiers, soit en dehors de l'Union européenne.

Le taux de dossiers acceptés devrait ainsi baisser sous les 15% actuels.

Expulsions facilitées

Les demandeurs d'asile attendront pendant douze semaines maximum la réponse à leur demande dans des "camps de transit" situés par exemple en Afrique du Nord. Le Niger avait été aussi pressenti comme pays de transit.

En cas de refus de leur dossier, les personnes seront expulsées dans leur pays d'origine avant même d'avoir mis le pied dans l'Union européenne.

L'élu écologiste Erik Marquardt, membre de la Commission chargée de la politique intérieure et de la justice au Parlement européen, estime que les propositions ne feront que renforcer les insuffisances du système en place. Il l'a expliqué à nos confrères de Deutschlandfunk.

"L'examen des dossiers hors de l'UE sert aussi à débouter les demandeurs en provenance d'Afghanistan ou de Syrie, au motif qu'ils ont transité par un "pays d'origine sûr", s'insurge-t-il. Nous l'avons déjà vu avec l'accord passé entre l'UE et la Turquie, ça ne fonctionne pas. C'est seulement un plan de cloisonnement et de dissuasion qui, du point de vue de l'extrême-droite qui le soutient, est censé faire peur aux gens qui craindront de venir en Europe de peur d'être incarcérés."

Une foule de réfugiés soudanais au Tchad (photo d'illustration)
La plupart des réfugiés dans le monde partent dans les pays voisins, pas en EuropeImage : MAHAMAT RAMADANE/REUTERS

Erik Marquardt dénonce un plan à visées électoralistes que le gouvernement allemand tenterait d'instrumentaliser avant le scrutin régional en Hesse et le sommet national sur les réfugiés prévu la semaine prochaine à la chancellerie, à Berlin, avec les communes.

Selon Erik Marquardt, si les Européens souhaitent "que moins de personnes demandent l'asile dans l'Union européenne, alors ce ne sont pas les réfugiés qu'il faut combattre mais les raisons qui les poussent à fuir leur pays."

Gouvernement fédéral, Länder et communes

En Allemagne pourtant, la répartition des réfugiés et le financement de leur accueil pose problème ainsi que la différenciation des responsabilités entre le gouvernement fédéral, les Länder et les communes.

Plusieurs chefs de régions espèrent que la liste des pays d'origine considérés comme "sûrs" sera allongée à des pays comme le Maroc, l'Algérie, la Tunisie ou la Géorgie. Les ressortissants de ces pays ne sont quasiment pas éligibles au statut de réfugié.

Les Länder et les communes souhaitent raccourcir les procédures et accélérer les possibilités d'expulsions, pour soulager leurs infrastructures engorgées.

A Mayotte, un groupe d'hommes jouent au cartes sur une natte, sur une colline qui surplombe le village de Kaweni (photo d'illustration)
Les défenseurs des droits humains appellent l'Allemagne à respecter ses engagements en matière de protection des personnesImage : Patrick Meinhardt/AFP

Et les droits humains ?

Certains élus attirent l'attention sur le fait qu'une mauvaise gestion des arrivées risque de renforcer la xénophobie au sein de la population.

Une autre élue écologiste allemande, Aminata Touré, ne voit pas non plus "en quoi cela peut soulager les pays du pourtour méditerranéen et garantir le respect des droits humains dans des Etats qui sont déjà dépassés par la situation".

Dans une interview au quotidien Die Welt, elle exprime ses doutes quant à la compatibilité de ces propositions avec le droit allemand.

De son côté, l'Institut allemand des droits humains critique aussi l'idée de repousser l'examen des dossiers aux frontières de l'Europe. Car celle-ci n'est applicable que dans des centres fermés ou qui entravent grandement la liberté de mouvement de personnes qui cherchent protection.

L'institut conseille au gouvernement allemand de refuser l'instauration de ces centres aux frontières de l'Europe, contraires aux engagements de l'Allemagne en matière de droits.