1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Portrait de Bola Tinubu, un président élu déjà contesté

1 mars 2023

Peter Obi, arrivé troisième à la présidentielle, annonce son intention de formuler des recours contre la victoire du candidat du parti au pouvoir.

https://p.dw.com/p/4O8PO
Bola Tinubu, au centre, célèbre sa victoire à Abuja avec ses partisans au siège de campagne du parti au pouvoir, APC, après avoir remporté l'élection présidentielle (01.03.23)
Bola Tinubu a appelé ses rivaux à travailler ensemble Image : Ben Curtis/AP Photo/picture alliance

Bola Tinubu devrait succéder donc à Muhamadu Buhari au poste de président du Nigeria pour les quatre prochaines années. Selon les résultats annoncés tôt ce mercredi matin (01.03), le candidat du parti au pouvoir est arrivé en tête du scrutin devant deux autres opposants.

Bola Tinubu est un vieux routier de la politique nigériane. Ancien gouverneur de Lagos pendant huit ans, le musulman yoruba, multimillionnaire du sud, avait souvent indiqué que c’était son heure de prendre les rênes du pays africain le plus peuplé et la première économie du continent.

Une victoire de la démocratie, c’est comme cela qu’il a qualifié sa victoire. Ce défenseur de la démocratie, en exil alors que le Nigeria vivait sous la dictature, fait cependant l’objet d’accusations de corruption sans jamais avoir été condamné.  

Un président âgé, une population jeune

A 70 ans, Bola Tinubu est élu dans un pays de plus de 200 millions d’habitants où 70% de la population a moins de 30 ans. Et la santé de Bola Tinubu est souvent apparue fragile ces derniers temps.

Selon Teniola Tayo, chercheuse associée au think tank Wathi, "On a beaucoup d’expériences récentes avec d’anciens présidents. Nous avons eu des présidents malades. C’est le cas de l’actuel président Buhari qui a dû souvent voyager pour des raisons de santé".

La chercheuse nigériane estime sur la DW que "l’âge de Tinubu peut signifier qu’il soit déconnecté des réalités des jeunes Nigérians. Il peut être déconnecté mais c’est surtout sur son état de santé que le débat a lieu."

Une manifestation du mouvement "not too young" à Abuja (25.07.2017)
La majorité de la population nigériane est jeuneImage : Uwais Abubakar Idris

Lutte contre Boko Haram

Teniola Tayo : Muhammadu Buhari est arrivé au pouvoir doté d’une certaine expérience dans le domaine de la sécurité. Il était général au sein de l’armée. Les Nigérians ont alors cru qu’il pourrait mieux faire face au problème de Boko Haram. Mais l’insécurité a gagné du terrain sous Buhari. Bola Tinubu n’a pas beaucoup d’expérience dans la lutte contre l’insécurité. Il a été gouverneur de Lagos. La ville a toujours connu des problèmes liés au crime. C’est différent de ce à quoi le pays entier est confronté. Nous verrons. Tout dépend des personnes et des cadres de l’armée qui vont l’entourer. Il en est de même pour l’économie. 

Bonne gouvernance

Teniola Tayo : Je ne pense pas que les Nigérians l’attendent sur la lutte contre la corruption. Il a toujours réfuté les allégations de corruption sur sa personne. Il est donc difficile de s’exprimer sur la lutte contre la corruption. Au Nigeria, la lutte contre la corruption est un moyen d’intimidation des opposants. On verra donc comment sera cette lutte sous son administration. En dehors donc d’objectifs de lutte contre la corruption, c’est plus à de l’oppression d’opposants qu’on assiste. Je ne sais pas ce que Bola Tinubu va faire mais il est cité dans des allégations de corruption qu’il a rejetées. Il va bénéficier de l’immunité s’il est investi. S’il n’y a pas de preuves concrètes sur les allégations de corruption dont on l’accuse, rien ne sera fait. Personne ne l’attend dans la lutte contre la corruption. Mais qui sait ? Il pourrait nous surprendre.

Simulacre d’élection

Mais les résultats proclamés par la commission électorale sont contestés. L’opposition avait déjà appelé à l’annulation du scrutin avant les résultats provisoires, dénonçant un simulacre d’élection en raison de "fraudes massives". Le parti de Peter Obi, arrivé troisième, a annoncé ce mercredi qu’il va lancer une action en justice contre l’élection de Bola Tinubu. Le président Muhamadu Buhari a demandé aux opposants de recourir aux voies légales et de ne pas descendre dans les rues pour éviter tout affrontement.

Les principaux candidats à la présidentielle Peter Obi (à gauche), Bola Tinubu (au centre) et Atiku Abubakar (à droite)
Les principaux opposants (Peter Obi, à gauche, Atiku Abubakar à droite) dénoncent des fraudes lors du scrutin Image : K. Gänsler/DW, Shengolpixs/IMAGO, EKPEI/AFP

Dans les pays voisins, on redoute en effet des violences post-électorales.

Amadou Diallo, enseignant-chercheur en lettres et sciences humaines, au Niger, estime que son pays sera atteint si la situation dégénère.

"Tout ce qui touche le Nigeria nous touche. Nous ne souhaitons pas qu’il y ait des violences post-électorales. Sinon, cela aura des répercussions chez nous", explique l’enseignant-chercheur à la DW.

"Les gens qui seront touchés vont essayer de fuir pour venir s’installer chez nous. S’il y a des violences, il faut voir que le premier pays qui sera touché, c’est le Niger. Ce n’est pas le Nigeria, ce n’est pas le Bénin, ce n’est pas le Cameroun, ce n’est pas le Tchad, c’est d’abord le Niger."

Les félicitations des pays voisins

Président du Conseil militaire de transition, Mahamat Idriss Déby Itno, lors du Conseil des ministres extraordinaire du 29.11.2021 à N'Djaména
Mahamat Idriss Déby a félicité l’élection de son "frère" Bola TinubuImage : facebook.com/GMahamatIdi

Le président du Niger a félicité Bola Tinubu pour son élection. Mohamed Bazoum a qualifié l’élection de "libre, démocratique et transparente". Même tonalité du côté du Tchad où le président Mahamat Idriss Déby parle de "leçon de démocratie" qui devrait inspirer tout le continent. Mahamat Idriss Déby s’est dit prêt à travailler avec Bola Tinubu pour le raffermissement de relations qui couvrent des domaines vitaux et stratégiques. Car les deux pays ont en commun le Lac Tchad qui sert de repaire à Boko Haram.

Evariste Ngarlem Tolde politologue tchadien indique sur la DW que "la stabilité au Tchad dépend aussi de la stabilité du Nigeria. Et la situation au Nigeria risque de pousser certains Nigérians vers le Tchad et les autres pays."

"Ce qui fait qu’aujourd’hui, poursuit l'enseignant-chercheur, une certaine inquiétude se fait ressentir par rapport à la contestation des résultats par l’opposition."

Au Bénin et au Cameroun, pas de réactions officielles pour l’instant. Un spécialiste béninois du Nigeria estime toutefois que les Béninois qui font du commerce transfrontalier avec le Nigeria suivent avec attention ce qui se passe chez le voisin.

La Cédéao a félicité le président élu, Bola Tinubu. L’organisation sous-régionale a demandé à toutes les parties de promouvoir la paix et d’user des moyens constitutionnels pour contester le scrutin. La Cédéao avait exprimé mardi sa préoccupation au sujet de tensions grandissantes au Nigeria.