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SantéAllemagne

Les campagnes allemandes en manque de médecins // Afrodescendants, la "troisième racine" oubliée du Salvador

Anne Le Touzé | Oliver Pieper
24 mai 2023

De moins en moins de médecins généralistes dans les zones rurales en Allemagne, une tendance en hausse. Dans ce numéro de Vu d'Allemagne, deux médecins racontent leur passion pour ce métier. // Au Salvador, rencontre avec la toute petite communauté des afrodescendants qui lutte pour sa reconnaissance par l'Etat.

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Stefan Lichtinghagen était parti pour devenir médecin gastro-entérologue. Il a finalement pris la relève de son père, médecin de famille pendant 32 ans à Marienheide. C'est une petite commune de 14.000 habitants située à une cinquantaine de kilomètres de Cologne, dans l'ouest de l'Allemagne.

"Mon père était seul la plupart du temps, il était disponible du lundi au samedi matin pour ses patients et était vraiment sur la route du matin au soir. Je le voyais très peu et j'ai toujours pensé que je ne voudrais pas faire un tel métier... Aujourd'hui, je travaille presque autant..."

Des semaines de 50 heures, mais une indépendance appréciée

Stefan Lichtinghagen en train de soigner un patient dans son cabinet médical de Marienheide
Stefan Lichtinghagen a repris le cabinet médical de son père et il ne le regrette pasImage : Oliver Pieper/DW

Ce matin, Stefan Lichtinghagen a détecté une appendicite chez une patiente de 20 ans qui lui avait été envoyée par les urgences pour une cystite. Il a soigné un homme pour des problèmes respiratoires - un voisin qu'il connaît depuis l'adolescence - et aussi un retraité de 91 ans qui s'était ouvert la tête en tombant pendant qu'il faisait du jardinage.

Avec 3.300 patients par trimestre et des visites à domicile, Stefan Lichtinghagen fait facilement des semaines de 50 heures, mais il n'a jamais regretté son choix. Il connaît ses patients par cœur et ceux-ci le lui rendent bien. 

Le docteur Lichtinghagen apprécie aussi d'être son propre patron, mais contrairement à son père, il n'a pas voulu travailler seul.

Il partage son cabinet depuis 2005 avec une collègue et est conscient d'avoir de la chance : de moins en moins de jeunes médecins osent se mettre à leur compte en tant que généralistes. 

D'ici 2035, 11.000 postes de médecins généralistes devraient être vacants, selon une étude de la fondation Robert Bosch.

Déjà des déserts médicaux en Allemagne

Ce recul des vocations risque d'avoir des conséquences dramatiques pour l'Allemagne : 40% des circonscriptions rurales sont menacées de devenir des déserts médicaux.

Une offre d'emploi affichée sur une route : on recherche un médecin généraliste à la campagne
11.000 postes de médecins généralistes seront vacants d'ici une dizaine d'années, et cela concerne surtout les zones ruralesImage : Anke Waelischmiller/SVEN SIMON/picture alliance

Et la tendance est à la hausse puisque plus d'un médecin sur trois est âgé de plus de 60 ans et proche de la retraite. Stefan Lichtinghagen et sa collègue traitent déjà des patients dans un rayon de 25 km et ils ne peuvent plus en accepter de nouveaux.

"On reçoit près de cinq demandes par jour. Entretemps, on les refuse sans discussion... On n'accepte même pas le mari ou les enfants, même s'ils ont 18 ans et ne peuvent plus aller chez le pédiatre. On ne fait plus face."

Le système de santé allemand a longtemps eu une bonne réputation. Mais il se fissure sérieurement, et en particulier dans les zones rurales. La politique tente désespérément d'éviter la catastrophe en attirant des médecins à la campagne.

23 millions d'euros pour attirer les médecins

Le ministre de la Santé Karl Lauterbach réclame ainsi 5.000 places supplémentaires pour les études de médecine, afin de soigner convenablement la génération du baby-boom qui arrive à la retraite. Il a aussi mis 23 millions d'euros sur la table pour lutter contre le manque de médecins ruraux à travers divers projets.

Dans le contrat de coalition, il est question de réduire drastiquement les délais d'attente pour la prise en charge des patients, en particulier pour les enfants et les adolescents, mais aussi dans les zones rurales et structurellement faibles. 

Neuf Länder sur 16 ont même mis en place un quota de médecins de campagne. Jusqu'à 10% des places à l'université sont attribuées à la condition d'exercer pendant dix ans dans une région qui manque de généralistes. Même des résultats moyens au baccalauréat ne sont plus un obstacle.

Stefan Lichtinghagen a d'abord été sceptique sur ces quotas, mais aujourd'hui il trouve que c'est un pas dans la bonne direction.

"J'ai d'abord pensé  qu'on ne pouvait pas imposer à un jeune de 18, 19 ou 20 ans de devenir médecin généraliste s'il découvre soudain pendant ses études qu'il est passionné de chirurgie du cerveau... Il risque de ne pas faire un bon médecin. Mais il faut bien faire quelque chose car on ne peut pas se passer de généralistes." 

Médecin dans la vallée de l'Ahr

Une vue de la vallée de l'Ahr dévastée par des inondations en 2021
134 personnes ont perdu la vie lors des inondations de juillet 2021 dans le sud-ouest de l'AllemagneImage : WDR

A une centaine de kilomètres plus au sud, le docteur Klaus Korte est l'illustration même de l'importance des médecins en zone rurale. Il est installé à Ahrbrück, une des communes de la Rhénanie-Palatinat qui ont été dévastées par des inondations meurtrières en 2021. 

134 personnes ont perdu la vie et des centaines d'autres ont été blessées dans cette catastrophe. Le cabinet de Klaus Korte a été lui aussi emporté par les eaux. Pendant six semaines, il a assuré les soins médicaux de base pour les habitants dans une école primaire.

"Etre médecin de famille, c'est la plus belle chose que je puisse imaginer, surtout depuis les inondations. Je me suis attaché aux gens de cette région ces 20 dernières années, mais encore plus après les inondations. La relation était déjà bonne, mais elle est devenue plus étroite. Ces milliers de destins dans la région de l'Ahr nous ont encore soudés d'une toute autre manière."

La relation est si étroite que des patients logés dans des hébergements d'urgence à plus de 100 km viennent encore le consulter, deux ans plus tard.

Ahrbrück est pourtant sur la liste des communes qui manquent le plus de médecins. Lorsque Klaus Korte a commencé il y a 20 ans, la commune comptait encore cinq cabinets médicaux. Aujourd'hui il en reste deux.

Combattre les préjugés

Klaus Korte et son équipe médicale à Ahrbrück
Avec son équipe, le docteur Klaus Korte a assuré les soins de base pour les habitants sinistrés par les inondations à AhrbrückImage : Klaus Korte

Pour Klaus Korte, les préjugés du corps médical envers les généralistes sont une des raisons qui peuvent expliquer le manque de médecins : des collègues qui parlent avec mépris de "médecins de seconde classe", des enseignants à l'université qui rabaissent leurs étudiants en disant que même un "médecin de campagne" connaît telle ou telle réponse... Ou bien les médecins cliniques qui critiquent le travail des généralistes auprès des patients qu'ils reçoivent. 

Klaus Korte, lui, est fier de son métier qu'il compare à celui d'un gardien de but qui doit toujours être vigilant.

"Tout à coup, il n'y a plus de médecin-chef ou spécialiste à qui demander et on retrouve face à soi-même. Il faut prendre les bonnes décisions pour empêcher des complications et c'est souvent sous-estimé. Il y a aussi les difficultés du quotidien, en cas de maladies cardio-vasculaire ou quand on découvre des tumeurs ou des cancers. Evidemment, nous ne pratiquons pas de médecine invasive ou intensive, mais nous faisons ce qui est nécessaire pour éviter des complications. On peut sauver des vies dans un cabinet généraliste, et pas seulement quelques unes." 

Un autre élément joue un rôle décisif selon lui : Klaus Korte peut soigner ses patients de manière différente car il connaît leur père, mort il y a trois ans d'un cancer, ou bien leur sœur qui a fini en psychiatrie pour cause d'anorexie... Ou encore parce qu'il a été témoin d'un conflit de voisinage épuisant. 

Le médecin lance un appel : l'Allemagne doit faire beaucoup plus pour combattre la pénurie de médecins généralistes.

"Je crois que nous sommes le cœur de la médecine ambulatoire. Si on réduit le nombre de médecins de famille, on arrache le cœur de ce pays. C'est la base du système de santé et si la base manque, l'édifice situé au-dessus s'effondrera."

Si les médecins généralistes sont la base du système de santé en Allemagne, les hôpitaux en sont également un des pilliers. Dans un prochain numéro de Vu d'Allemagne, on reviendra sur le manque de personnel dans les hôpitaux dans le pays et sur les projets du ministre de la Santé pour combattre cette autre menace...

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Les Afrodescendants du Salvador réclament leur reconnaissance 

Carlos Lara, artiste, en plein travail dans son atelier
Carlos Lara, artiste afro-salvadorien, veut montrer comment l'héritage culturel venu d’Afrique a influencé le SalvadorImage : Julien Delacourt/DW

Pour la deuxième partie de Vu d'Allemagne, nous partons maintenant au Salvador, à la rencontre d’une de ses cultures les plus méconnues : les “Afro-salvadoriens”. 

Les chiffres officiels affirment que les personnes noires ne représentent que 0,13% de la population, ce qui en ferait la plus petite communauté afro-descendante d’Amérique centrale. Le gouvernement a toujours nié l’existence de l’identité afro-salvadorienne et refuse encore aujourd’hui de le faire et de reconnaitre l’esclavage dans la constitution.

Mais la société civile s’organise et des Afro-salvadoriens choisissent l’histoire, l’art ou l’activisme pour faire découvrir leur culture et pour faire reconnaitre la participation de leurs peuples dans la construction de la nation. C'est un reportage de Julien Delacourt au Salvador. 

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Politique, économie, histoire... Vu d'Allemagne est un podcast hebdomadaire sur l'Allemagne, avec un grand reportage international en seconde partie d'émission.